L’époux est châtelain héréditaire de Beauvais⁸⁴⁷ : il a le commandement militaire de la ville dont l'évêque est le comte. Ses terres patrimoniales sont situées à l’orée de la forêt de Lyons, sur la rivière Crevon, à Vascœuil⁸⁴⁸, Saint-Denis-le-Thiboult et Ry⁸⁴⁹.

Jeanne et Guillaume sont inhumés à l'abbaye de l'Île-Dieu⁸⁵⁰, nécropole des Beauvais. Installée ‘au milieu du chœur’⁸⁵¹, leur pierre tumulaire devait, intacte, être une remarquable pièce d’artisanat médiéval. Aujourd’hui propriété du musée des Antiquités de Rouen, elle se trouve en dépôt au château de Vascœuil depuis 1990. De grande taille (3,20 x 1,90 m), elle figure le couple sous deux arcs trilobés d'un riche dais architectural surmonté de quatre angelots thuriféraires, sans apparence de domination masculine⁸⁵². Les époux ont les yeux ouverts et les mains jointes en prière, la tête posée sur des coussins décorés : quatre-feuilles pour Jeanne, fleurs de lys pour Guillaume. Mains et visages sont en marbre, très fendillé. Naïve évocation de l’union charnelle, les corps présentent un déhanchement. Jeanne porte voile, guimpe à barbette et un collet ouvragé fermant une cape dont elle retient l'extrémité plissée sur son bras droit. Deux écussons disposés de part et d'autre de ses épaules ont disparu, laissant une marque en creux : les incrustations devaient être de pierres colorées, comme certains éléments du costume. Guillaume est vêtu d'une cotte de mailles, dont les gantelets pendent à ses poignets, et d'un tabar non armorié. À sa taille, un ceinturon soutient épée et écu à ses armes : une croix chargée de cinq coquilles. Ses pieds reposent sur un lion courageux. Les blasons sont répétés aux quatre angles de la pierre, presque effacés, mais on distingue encore la trace du burelé des Estouteville, et peut-être d'un lion. Les marques de fixation de pièces métalliques disparues sont visibles : le haubert de Guillaume devait être intégralement constitué de plaques de bronze. On lit sur la bordure :

Avec la pierre tombale à Valmont de Robert V, il s'agit là du plus ancien vestige identifié de la tombe d'un(e) Estouteville⁸⁵⁶.

(T. 1, p. 196-199)


847. Préfecture de l'Oise. Le père Anselme écrit que Jeanne épouse Guillaume ‘III du nom, dit le Velu’, fils de Guillaume ‘II du nom’, qui vit en 1252, et d'Éléonore Crespin (HGF-8, p. 832). Toussaint Duplessis témoigne en 1740 qu'on trouve à l'abbaye de l'Île-Dieu la tombe de ‘Guillaume, châtelain de Beauvais, mort le 3 juin 1296’ (DHN-2, p. 329). Date confirmée en 1869, alors que la pierre tombale se trouve dans l'église d'Auzouville-sur-Ry (BCA-1, p. 381). Cependant, un châtelain est mort vers 1267, année à partir de laquelle sa femme agit seule, sous son titre et sans son prénom, jusqu'en 1282, dans des démêlées qui l'opposent à l'évêque, selon plusieurs arrêts du parlement de Paris (Arthur BEUGNOT (éd.), Les olim ou registres des arrêts rendus par la Cour du roi, t. 1, 1254-1273, Paris, 1839, p. 325-326, 686-687, 753-754, 756, 806...). Il semble donc qu’Anselme saute une génération de châtelains : l’un est mort vers 1267, un autre en 1296, avant le mari de Jeanne en 1330.
848. Eure, a. les Andelys, c. Romilly-sur-Andelle.
849. Les deux en Seine-Maritime, a. Rouen, c. le Mesnil-Esnard, à 3 et 5 km de Vascœuil.
850. À Perruel, limitrophe de Vascœuil.
851. François FARIN, Histoire de la ville de Rouen, t. 2, Rouen, 1668, p. 413.
852. Les représentations des couples ne sont pas toujours aussi équilibrées. Voir Peter R. COSS, The Lady in Medieval England, 1100-1500, Stroud, 1998, p. 73-114.
853. Dernier samedi, 24 février 1329/30.
854. 25 janvier 1329/30.
855. D’après mes photos. U et V respectés. Gaston Le Breton publie un dessin fidèle en 1882 (BCA-5, entre p. 368 et 369), mais omet dans sa transcription le mot chevalier. Toussaint Duplessis n’a pas vu le mot samedi.
856. La dalle funéraire de Jeanne pourrait même être antérieure de peu à celle Robert et de sa femme Marguerite d’Hautot, morte le 1^er novembre 1330, 8 mois après Jeanne.