Vestiges du château médiéval des Varenne à Bellencombre

 

Vestiges du château médiéval des Varenne à Bellencombre

Construit vers 1050 par Guillaume Ier de Varenne. Entrée de la cour haute. 2021.
Henri d'Estouteville est marié à Mathilde de Varenne.

 

Léonie marie son fils à une jeune veuve de la maison d’Anjou, à laquelle elle est elle-même apparentée : Mathilde, dite de Varenne, dont le père, Hamelin, est un fils illégitime de Geoffroy V, comte d'Anjou et du Maine533. Titré comte de Surrey lorsqu’il a épousé en 1164 Isabelle de Varenne, l’héritière du comté, Hamelin est le demi-frère du roi Henri II534, ce qui fait d'Henri d'Estouteville le cousin par alliance de deux rois successivement : Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Comme pour d'autres grands tenants du baronnage anglo-normand, la réunion de la Normandie à la France en 1204 va se traduire pour les Estouteville valmontais par une considérable perte d'influence : on ne retrouvera par la suite une telle proximité avec la maison royale, de France cette fois, qu'au XVème siècle, suite au mariage de Jean II avec une nièce de la reine Jeanne de Bourbon, femme de Charles V (t. 2, ch. 24).

Gresham
Mathilde est dotée de Gresham
535, tenu de l’honneur de Varenne dans le Norfolk par 2 fiefs de chevalier, selon l’inventaire après décès de son petit-fils Robert IV d’E.-Valmont en 1306. Le domaine comprend alors 180 acres de terre arable, des prés et landes, un vivier planté de roseaux, un moulin à eau et un autre à vent536. Mathilde possède en outre des biens sur la rivière Varenne, non loin de Bellencombre, le chef-mois normand de sa maison : en 1212, elle fait don à l'abbaye de Valmont d’une rente de 40 sols, à prendre sur le moulin de sa dot de Torcy537 ; ‘en sa vefvete’ d'Henri d'Eu, c’était à l’abbaye de Foucarmont538, nécropole des comtes d'Eu, qu’elle donnait ‘cents sols tournois de rente sur les molins de Torcy le Petit’539.

[...]

Obits
Le 13 décembre 1228, du château de Valmont, Henri fait un don obituaire à l'abbaye pour, dit-il, « Mathilde, comtesse d'Eu, mon épouse »
571. Un titre honorifique, car la comtesse d’Eu est à ce moment Alice d’Eu († 1246), la fille de Mathilde. La dame d’Estouteville est inhumée à l'abbaye de Foucarmont, où elle rejoint son premier mari572, ainsi que ses enfants Raoul et Guy d’Eu, morts très jeunes573, ce qui explique peut-être en partie son choix de lieu de sépulture. En 1231, Henri donne « 50 sous de rente à prendre sur le moulin Carpi574, proche Fécamp, et 10 livres sur le four de Valmont »575, pour son propre service anniversaire, qu'on trouve inscrit au nécrologe valmontais le 5 avril576. Il meurt la même année577, âgé d'environ 65 ans. Son mausolée, aujourd'hui disparu, était placé dans le chœur de l'abbatiale578.

(T. 1, p. 133-135, 142-143)


533. EYC-8 : The Honour of Warenne, p. 22-23. Charles Clay est sur ce point largement précédé par les Peerages anciens et suivi par ceux du XXème siècle (CP-12 (1), p. 500n). Mathilde est notamment dite la fille du « comte Hamelin ». En plus des preuves de son ascendance, si elle avait été une deuxième fille du comte d’Eu comme le croit Gabriel de la Morandière (HMEN, p. 75), se référant au titre honorifique de comtesse d’Eu que donne Henri d’Estouteville à son épouse défunte dans sa donation obituaire (ci-après), elle aurait reçu en héritage des biens considérables, dont on n'a aucune trace. Il écrit que Sainneville (Seine-Maritime, a. le Havre, c. Saint-Romain-de-Colbosc) est un fief de Mathilde, ‘son église ayant été donnée en 1119 par le comté d'Eu à son abbaye d'Eu' (HMEN, p. 80). Selon les Registres de Philippe Auguste, Henri a bien ‘unam vavassoriam apud Raimes, de feodo de Sainevilla’, une vavassorie à Rames qui relève de Sainneville, mais Sainneville, qui ne vaut du reste que 2 fiefs de chevalier, n’appartient pas au couple (RHF-23, p. 642 G, 643 F ; DT76-2, p. 883). Accessoirement, si Mathilde avait été une fille du comte d’Eu, n’étant pas l’héritière du comté, elle n’aurait jamais été comtesse d’Eu, contrairement à sa veuve...
534. CP-12 (1), p. 499-500.
535. EYC-8, p. 23.
536. CIPM-4, n° 369. Des vestiges du château médiéval subsistent, dont des maçonneries postérieures et des fossés encore en eau. 52.8964° N, 1.2199° E.
537. HMEN, p. 80. ‘Maritagii mei de Torcy’.
538. Seine-Maritime, a. Dieppe, c. Eu.
539. RHF-23, p. 441 J. Les éditeurs de la Chronique des comtes d’Eu valident l’assertion, se référant à la transcription de la charte de Mathilde dans le cartulaire de Foucarmont, en apportant une légère correction : elle donne ‘centum solidos andegavensium’, 100 sols angevins, la monnaie ayant alors cours en Normandie étant la livre angevine. Torcy-le-Petit, Seine-Maritime, a. Dieppe, c. Luneray. À ne pas confondre avec Torcy-le-Grand, fief éponyme de la branche de Torcy, qui relève du comté de Longueville.
[...]
571. Archives du palais princier de Monaco, J 337. Cliché de la charte originale : PMN, p. 43. ‘Comitisse de augo uxoris mee’.
572. ‘Et gist ou cueur de ladite eglise aupres son mary’, selon la Chronique des comtes d'Eu. RHF-23, p. 442 B. L’assertion est corroborée par le fait qu’Henri d’Estouteville était ensépulturé à Valmont sans son épouse.
573. RHF-23, p. 441 F.
574. En la paroisse Saint-Fromond rattachée à Fécamp. DT76-2, p. 703.
575. HMEN, p. 88. HGMH-4, additions, f° 16v.
576. HMEN, p. 88. Copie de l’obituaire dans les ‘archives de Valmont’.
577. Confirmations de son fils datées de 1231. Ch. 7.
578. Procès-verbal du 14 septembre 1525. ‘Aupres de l'autre coste dudit chœur estoit la representacion de Henry d'Estouteville, fils dudict Robert’, Robert III. Il n’est plus fait mention de cette tombe en 1758. Références notes 116 et
348.