Capture de Robert Courteheuse à Tinchebray (1106)

 

Capture de Robert Courteheuse à Tinchebray (1106)

Robert Grondebœuf, partisan du duc de Normandie, est lui aussi capturé.
Miniature du
Livre de Jean Boccace (XV
ème s.). Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms 1128. IA.

 

À l'été 1106, Henri Beauclerc met le siège au château de Tinchebray108. La plupart des barons normands, ainsi que le clergé, se sont ralliés à lui. Le duc se porte au secours des assiégés. Le 28 septembre, après une courte mais violente bataille, Henri, grâce à une audacieuse manœuvre d'Hélie de la Flèche, vainc l’armée ducale.

Le duc Robert avait avec lui Robert de Bellême et son neveu Guillaume de Mortain, Robert d'Estouteville et Guillaume de Ferrières, et nombre d'autres, appuyés de toutes leurs forces. Il n'avait pas autant de chevaliers que son frère, mais ses troupes à pied étaient plus nombreuses. [...] Le roi lui-même prend avec lui les fantassins anglais et normands ; quant aux Manceaux et aux Bretons, ils forment, à distance du champ de bataille, la réserve aux ordres de Hélie du Mans. Dans l'autre camp, Guillaume de Mortain commande la première ligne et Robert de Bellême la dernière. Les deux armées étant venues au contact, et les hommes du comte Guillaume cherchant à férir ceux de Renouf [de Bayeux], il se trouva qu'ils étaient en ordre si serré, au coude à coude, que les uns ni les autres ne pouvaient faire autre chose que de maintenir un front impénétrable aux poussées adverses. Or, tandis que de part et d'autre se déchaînaient les cris et les hurlements, Hélie surgit tout à coup avec ses troupes, attaqua par le flanc les impuissants fantassins du duc Robert et tua en quelques instants deux cent vingt-cinq d'entre eux. À cette vue, Robert de Bellême s'enfuit et abandonna aux vainqueurs l'armée ducale désemparée109.

Selon un prêtre de Fécamp qui se dit l'ami de Robert, tout le combat aura duré moins d'une heure ;

le comte110 a été capturé, et le comte de Mortain, avec ses barons, et Robert d'Estouteville, un ami ; tous les autres ont été mis en fuite111.

Henri peut donc se réjouir quand il écrit à l’archevêque de Cantorbéry quelques jours plus tard :

La miséricorde divine a mis entre nos mains le duc de Normandie et le comte de Mortain, Guillaume Crespin, Guillaume de Ferrières et Robert d'Estouteville le Vieux, d'autres chevaliers au nombre de quatre cents, dix mille fantassins, et la Normandie elle-même112.

Orderic Vital poursuit : le roi

envoya en Angleterre les ennemis qu’il avait capturés lors de la bataille, et condamna Guillaume de Mortain, Robert d’Estouteville et quelques autres à la prison perpétuelle. Il resta inflexible à leur égard et, bien que beaucoup le pressèrent de suppliques, de promesses et de cadeaux, ne céda jamais113.

(T. 1, p. 40-42)


108. Orne, a. Argentan, c. Domfront.
109. Orderic VITAL, Marjorie CHIBNALL (éd.), The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, t. 6, Oxford, 1978, p. 82-90. Traduction de Michel de Boüard sur l’édition Le Prévost.
110. Il est un partisan d'Henri et donne à Robert Courteheuse son titre de comte du Maine.
111. DELISLE, op. cit., p. 128n-129n. ‘Robertus de Stutevilla, amicus meus’. Dans une lettre rédigée très peu de temps après les événements puisque que le religieux déclare apporter une « bonne nouvelle » à son correspondant, un homologue de Sées (Orne, a. Alençon, chef-lieu de canton).
112. EADMER, Martin RULE (éd.), Historia novorum in Anglia, Londres, 1884, p. 184. ‘Rodbertum de Stutevilla senem’, par opposition à Robert le jeune, son fils, actif à la même époque (ch. 3). Le chiffrage des forces en présence varie avec les sources.
113. VITAL, ibid., p. 94.