Château médiéval disparu de Charlemesnil
Le château, reconstruit par Jeannet d'Estouteville, avec dans son enceinte
la collégiale Sainte-Catherine fondée par le même. Vue nord-ouest.
À l'arrière-plan, le village d'Anneville[-sur-Scie].
Dessin aquarellé (1696). Collection Gaignières. BnF.
Charlemesnil, un fief donné à Jeannet d'Estouteville par Bertrand du Guesclin.
La présence dans la fratrie de deux garçons prénommés Jean, pour étonnante quelle soit, est avérée. Ils sont écuyers leur vie durant, ce qui naide pas à les distinguer. Les généalogies traditionnelles copient le père Anselme : Jean, tenant de Charlemesnil1435, est laîné des deux ; Jeannet, dit le Jeune, est le benjamin de la fratrie, tenant de Villebon1436 par son mariage, capitaine du château de Vernon1437, multipliant fonctions et activités1438. Anselme attribue notamment au sire de Villebon les acquisitions des riches domaines dHautot[-sur-Seine]1439 et de Bapeaume1440, quon retrouve pourtant dans le temporel de la collégiale de Charlemesnil fondée par son frère1441... Ce dernier dote létablissement de nombreux biens et intérêts quil a acquis1442, dont lîle aux Bufs à Vernon1443. Cest donc manifestement le sire de Charlemesnil qui dispose, par la rétribution de ses activités, dimportants fonds, suffisants pour fonder en son château une collégiale de dix servants, dont huit chanoines prébendés. Gabriel de la Morandière, qui pourtant ne manque pas de subtilité, suit Anselme, et avance que les frères sont nommés plus ou moins indifféremment Jehan ou Jehannet1444. Dans son testament du 1er novembre 1416, le sire de Charlemesnil se désigne lui-même par le diminutif de Jehannet1445, sous la plume dun clerc qui sidentifie comme Jehan de la Rue, en déclarant quil sert son tres redoubte seigneur et maistre Jennet dEstouteville1446. La nuance est claire pour ce familier. Ses frères, dont Colard, le nomment pareillement Jehannet dans deux déclarations de 1391 et 1407 jointes au document ; parmi eux, Jehan dEstouteville seigneur de Villebon1447. Il nest donc pas douteux que, du point de vue de la famille, le prénom Jean se réfère au tenant de Villebon et le diminutif Jeannet à celui de Charlemesnil. Il laura reçu enfant et conservé adulte, comme son aîné Nicolas, alias Colard. Ceci bien sûr nexclut pas la possibilité quil puisse être appelé Jean par des tiers, nappartenant pas à son proche entourage ou ne souhaitant pas se montrer familiers. Dans les documents marqués de son sceau, il est Jehannet alors que lempreinte de cire montre IEHAN DESTOVTEVILLE1448. Le 2 octobre 1374, Bertrand du Guesclin lui donne la terre du Mesnil-Haquet, relevant de son comté de Longueville, bientôt renommée Charlemesnil, en récompense, déclare-t-il, de pluseurs grans et bons services a nous faiz par nos bien amez mess. Colart d'Estouteville, chevalier, seigneur de Torchi, et par Jehannet d'Estouteville, son frere, varlet trenchant du roy mons., et du bon port et gouvernement dudit Jehannet1449. Le valet tranchant du roi est un écuyer chargé de découper les viandes et de servir à sa table. Le 31 décembre 1374, Charles V nomme capitaine et garde du chastel de Vernon son ame vallet tranchant Jehannet d'Estouteville1450. Celui-ci ne manque pas dexprimer sa reconnaissance à son bienfaiteur lorsquil fonde la collégiale Sainte-Catherine en 1402 : pour messire Bertran du Gleusquin, que Dieu pardoint, connestable de France, qui me donna Charlemesnil1451 ; et déjà en 1387 lorsque, du chastel roial de Vernon, Jehanet d'Estouteville, dudit chastel lors cappitaine, commande un abrégé en prose du poème Chanson de Du Guesclin de Cuvelier, transposition va savérer déterminante dans la mythification du personnage1452. On a naturellement tendance à surestimer le rôle de ceux qui laissent le plus de traces. Jeannet na pas denfants connus, alors que Jean Ier dE.-Villebon aura une longue descendance. Les frères se font construire chacun un château ; celui de Charlemesnil a depuis longtemps disparu, tandis que celui de Villebon est conservé, superbe représentant dun type darchitecture médiévale... (T. 1, p. 325-328) |
Le plein haubert du Mesnil-Haquet a été confisqué à Guillaume de Briençon, chevalier félon exécuté à Rouen. Son nouveau nom de Charlemesnil lui est donné en 1386 par le roi Charles VI en souvenir de sa venue1020. En juin 1379, Charles V autorise son bien ame varlet tranchant à faire fortifier emparer et fossoier le manoir existant1021, situé sur la rive droite de la Scie, sous les coteaux de l'Écorchebuf. La Collection Gaignières conserve un dessin aquarellé (1696) de ce château1022, qui paraît se trouver à peu près dans son état du XIVème siècle. Le plan en est classique : quadrangulaire, avec quatre tours d'angle et quatre tours flanquantes sur des courtines. Des fenêtres, sans doute postérieures, semblent percer régulièrement les murailles et les tours. Le fossé nord est bordé darbres. La collégiale, adossée à lenceinte sud, la domine en hauteur. Le hameau des chanoines sétend à louest, sous les murs et jusquà la rivière. À l'arrière-plan est esquissé le village d'Anneville[-sur-Scie], relevant de Charlemesnil. La construction de la voie ferrée de Rouen à Dieppe, entre 1846 et 1848, provoque la destruction de cette forteresse, dont il subsistait encore quelques vestiges maçonneries et bases de tours en 19271023. (T. 2 à paraître) |
Fossé nord subsistant. 2015.