Bataille de Taillebourg d'Eugène Delacroix (1837)

 

Bataille de Taillebourg d'Eugène Delacroix

Le chef-d'œuvre de la galerie des Batailles de Versailles,
qui exhalte une vision romantique de la chevalerie... Cliché V. Belov.

 

La même année 1242, Henri III tente de reprendre les terres continentales perdues en s'alliant à son beau-père Hugues de Lusignan, comte de la Marche. Louis IX de France convoque l'ost. Le 17 avril, de Westminster, Henri accorde à Jean un délai pour le service de 3 chevaliers, « jusqu'à ce que le roi aille en Gascogne, où il [Jean] devra servir »645. Mais Estouteville, vassal direct du roi de France tout autant que du roi d'Angleterre, choisit de répondre à l'appel de Louis IX : on le trouve à Chinon le 28 avril646, avec plusieurs centaines de chevaliers et leurs accompagnants (les chroniqueurs parlent de plus de 3000). ‘Le roy de France vit que son ost estoit grant et bel, et que genz li venoient chascun jour de toutes pars en aide’647. Le 19 juillet, les deux armées se font face des deux côtés du pont de Taillebourg648, point de passage stratégique sur la Charente. Le 21, les Français chargent brusquement et massivement leurs adversaires, le roi à leur tête selon son biographe Jean de Joinville649, les bousculant et les contraignant à la fuite. Le 23, les Anglo-Poitevins sont écrasés sous les murailles de Saintes. L'épisode du roi chargeant à Taillebourg, que seul Joinville évoque, peut entrer dans la construction de la légende de Saint Louis, le roi-chevalier, et inspirer les artistes, dont Delacroix, six siècles plus tard, pour le chef-d'œuvre de la galerie des Batailles de Versailles :

Voilà enfin une bataille véritable ! Cette fois enfin on se bat, on se tue, on se blesse, on meurt, on triomphe ; c’est un terrible pêle-mêle d’épées, d’étendards, de chevaux, de soldats, de capitaines. […] Voyez comme le roi jette sa hache d'armes et avec quelle colère admirable ! C'est une terrible mêlée. Les uns passent le pont au galop, les autres traversent le fleuve à la nage, on se bat sur les deux rives, Anglais et Français, ils se tiennent au corps avec un acharnement sans exemple650...

[...]

Après la bataille, les saisies... Henri III rappelle à l'ordre ses vassaux félons : les terres de Jean en Essex et Midlands sont dans la main du roi le 12 février 1243/4654. Pour peu de temps : elles s’y trouvent dit-on pour les besoins d’une enquête concernant « les terres des étrangers », et, entre le 3 et le 10 juillet 1245655, Jean recouvre sa moitié du manoir de Dedham, qui vaut 30 livres656, ainsi que « Kirkby, qui vaut 24 livres, 16 sols et 6 deniers, et Eckington, qui vaut 33 livres, et Barton, qui vaut 23 livres, et Bradmore657, qui vaut 8 livres »658.

(T. 1, p. 156-159)


645. CClR, 1237-1242, p. 413.
646. Gilles-André de LA ROQUE, Traité de la noblesse, édition augmentée, Paris, 1734, partie Traité du ban et arrière-ban, p. 58. Liste copiée d’un registre de la Chambre des comptes.
647. Jules VIARD (éd.), Les grandes chroniques de France, Paris, t. 7, 1932, p. 92.
648. Charente-Maritime, a. et c. Saint-Jean-d’Angély.
649. Jean de JOINVILLE, Noel Lynn CORBETT (éd.), La vie de Saint Louis : le témoignage de Jehan, seigneur de Joinville, Sherbrooke, 1977, p. 100-101.
650. Louis BATISSIER, revue L'Artiste, t. 13, Paris, 1837, p. 82.
[...]
654. BF-2, p. 1144-1145. CClR, 1242-1247, p. 158.
655. EYC-9, p. 57. CClR, 1242-1247, p. 323, 325.
656. BF-2, p. 1152. ‘Johannes de Stutevill' medietatem manerii de Dyhale que valet xxx.l.’ Dedham rapportait 24 livres au temps de Léonie de Rames (ch. 5).
657. Contigu à Barton-in-Fabis.
658. BF-2, p. 1150.